L’activité manuelle dans les apprentissages

De manière instinctive et sans être sollicité, les premiers gestes d’un enfant seront de lire le monde extérieur par les sens. Toucher, goûter, écouter, sentir, voir, tous ces sens lui permettent de faire ses premières expériences, ses premiers pas dans le monde. L’usage des sens est donc naturel pour un être qui cherche à se construire, à évoluer. Ce fait est indéniable au moment de la petite enfance mais qu’en est-il pour la suite du développement de l’enfant ? Cet article va principalement s’intéresser au toucher avec une question : Quel est le rôle des apprentissages psychomoteurs dans le développement de l’enfant ?

Manipulation, image et concept

Les expériences motrices ont un rôle plus que déterminant dans la construction du réel et encore plus dans la construction des apprentissages. Manipuler un objet avec ses mains permet de connaître sa nature, son fonctionnement, sa forme, sa consistance, tout en étant en lien direct avec notre mémoire, qui elle retiendra cet objet et ses caractéristiques. Dans le cadre des apprentissages, que ce soit, des objets, des ateliers, des mouvements, l’action manuelle est nécessaire si ce n’est primordiale. Les expériences motrices aident tout simplement l’enfant à percevoir des concepts qui de prime abord leur sont encore inconnus. La manipulation concrétise un concept, le fait passer de l’abstraction à l’état réel. Pour que cette transition soit complète, elle nécessite d’être accompagnée par la vue. L’oeil permet d’affiner les gestes, de les enregistrer et de les retranscrire. La mémoire imagée est extrêmement puissante dans les apprentissages et vient parfaitement compléter d’autres sens comme le toucher. Ces images stockées sont donc une représentation de l’objet et non pas une photographie, on est loin de l’exactitude mais le concept se dessine.

On peut alors observer un cycle se construire entre la main, l’oeil et la tête. Ce trio forme une boucle dans laquelle il est utile d’aller une fois dans un sens, une fois dans l’autre dans le but d’atteindre une compréhension totale d’un apprentissage. Si l’on prend l’exemple de l’enseignement en mathématiques, l’enjeu est donc de rendre concrète une notion totalement abstraite faite de symboles. En les spatialisant, en les manipulant avec les outils pédagogiques adéquats, le système de fonctionnement est acquis et enregistré dans notre mémoire par nos gestes et notre vision. Une fois le système de fonctionnement intégré, la notion abstraite devient concrète et peut se traduire par la suite, mentalement sans autre outil que la représentation manuelle de ce savoir. La finalité de l’abstraction dans ce cadre-là c’est donc de pouvoir calculer mentalement.

Un concept qui ne date pas d’aujourd’hui

Ce concept simplement énoncé est en fait partagé par de nombreux pédagogues, médecins et psychologues depuis des années. Prenons l’exemple de Jerome Bruner, psychologue cognitif américain né en 1915. Dans sa théorie il décrit trois différents modes nécessaires à l’apprentissage et à la transmission. Premièrement le mode enactif. Ce mode induit la manipulation, le besoin de percevoir par les sens. Deuxièmement le mode iconique. Ce mode caractérise l’apparence visuelle, c’est ainsi pour Bruner qu’un enfant sait à quoi ressemble un triangle sans savoir expliquer pourquoi cette forme est triangulaire, il s’agit de représentation visuelle. Troisièmement le mode symbolique. Ce mode s’affine avec l’âge et l’expérience et permet de déduire une logique, un système mis en place par les deux premiers modes énoncés.

 

Selon Bruner ce dernier mode est concrétisé par le langage. C’est ce qui fait par exemple qu’un enfant sera capable d’expliquer oralement ce qu’est un triangle sans avoir besoin de faire un dessin. Ici on passe à l’étage supérieur celui du concept et de l’abstraction. Bruner indique que ces trois modes sont à alterner pour obtenir une compréhension totale, distinguant l’apprentissage scolaire classique qui fonctionne à partir de faits et de techniques apprises par coeur.

 

Pour Bruner la conclusion est donc la suivante : un apprentissage peut évoluer à travers les trois modes de représentations; par l’action, par sa représentation imagée et par sa représentation symbolique. Aucun apprentissage n’est enfermé dans un seul mode aussi bien chez l’enfant que chez l’adulte. Car même s’il est vrai que la représentation symbolique est plus affinée avec l’âge et l’expérience, nos activités d’adultes sont fréquemment réalisées en référence unique à la représentation enactive.