Le rôle de l’imagination

La compréhension s’effectue notamment par le biais d’une médiation adéquate. La figure du médiateur sera celle de l’intermédiaire. Habituellement, la fonction d’un médiateur émerge d’un conflit qu’il faut régler par neutralité. Dans le milieu culturel, le médiateur fait le lien entre l’œuvre et son public.

Dans son essai, l’auteur Serge Saada insiste sur cette fonction primordiale de la médiation en tant que relation à l’autre et entremetteuse de la culture. Il s’agit d’accompagner, de guider, d’échanger sans jamais obliger le spectateur. L’auteur s’intéresse plus particulièrement aux formes de publics dit « éloignés » ou « isolés ». Ainsi explique-t-il le rôle du médiateur culturel:

La figure du médiateur culturel émerge de cette nécessité éthique et citoyenne de partager des œuvres avec le plus grand nombre, elle affirme que le rapport aux œuvres n’est pas essentiellement de l’ordre de la révélation ou du choc, comme le pensait André Malraux

Dans ce cas, l’art n’est pas mis sur un piédestal, mais est considéré comme un objet de dialogue. Ainsi, pour S. Saada, il n’y a pas la figure de l’apprenant et celle de l’appreneur.

Public et médiateur sont sur une base égalitaire où chacun apprend de l’autre. Le regard d’un non-habitué est toujours enrichissant car il ne prend pas comme allant de soi tout ce qui lui est présenté. Il interroge et converse si son intérêt a été suffisamment provoqué. C’est donc sur la base d’une rencontre que l’on peut prétendre au décloisonnement culturel. L’auteur explique :

On ne peut pas toujours réduire le public de masse à des spectateurs dupes des produits de marketing incapables de s’écarter des pratiques les plus évidentes, inaptes à aborder l’élévation d’une pratique plus enrichissante qu’une autre », il poursuit, « Même le spectateur le plus fermé dispose toujours de ce potentiel d’écoute et d’ouverture. Potentiel parfois en sommeil mais que les conditions d’une rencontre, d’une écoute, d’une œuvre ou d’un artiste peuvent réactiver à tout instant

Dans un ouvrage intitulé La médiation culturelle, les auteurs, Serge Chaumier et François Mairesse viennent compléter cette définition large que représente la médiation:

La médiation se présente certes comme un mode de transmission ou de passation, le terme de passeur de culture l’exprime bien. Cependant, comme nous l’avons vu le rôle du médiateur ne consiste pas, contrairement aux apparences, en un simple relais transmetteur d’informations à destination des publics ciblés. Il ne s’agit pas simplement, par conséquent de trouver de nouvelles cibles; comme le ferait croire un marketing un peu aveugle. […] Il [le médiateur] invente en quelque sorte une nouvelle lecture d’une situation. Son travail passe par des constructions intellectuelles, des représentations symboliques, des formes de langage. Ce faisant, il assure une transformation à la matière à laquelle il s’attache, mais plus encore, il engage un processus de transformation de celui à qui il la destiné

Pour les auteurs, il ne s’agit donc pas d’affecter au public ce rôle de consommateur passif mais de lui donner la possibilité de s’approprier un contenu culturel et artistique de manière active.

Au sujet de cette interaction active du public, S. Chaumier et F. Mairesse expliquent qu’

En provoquant chez lui une réflexion ou un engagement de quelque nature qu’il fut, il s’agit de produire un investissement d’ordre culturel, constituant une occasion d’affirmer l’ancrage dans le monde, et de jeter des ponts entre intériorité personnelle et construction solidaire

Les rencontres avec l’œuvre se font principalement par la parole grâce à laquelle les médiateurs interrogent le public sur ce que provoque l’œuvre en eux. C’est donc au moyen du langage que l’individu se confronte à l’art.

© Klaus Stoeber